Extrait de jeux d’ombres

Extrait de jeux d’ombres

C’est en illustrant l’un des personnages principaux (la sorcière MAD) pour l’auteur lui même que j’ai découvert les extraits de cette histoire Fantasy.
Cette jeune femme a un certain talent pour l’écriture et son univers froid, sombre, neigeux, empreint de magie, de folie…n’est pas sans me rappeler celui de Mylène Farmer que j’affectionne et avec lequel j’ai grandi.
Je tiens à l’encourager pour écrire la suite et je poste ici un de ses extraits comme je les aime tout en description avec peu de monologue.

Icone extrait d’une illustration de Béa Gonzalez représentant MAD

Small pack of Wolves
Extrait du 14 Novembre 2012, 10:29:18 AM

Un vent furibond avait soufflé durant la nuit, parcourant la forêt en faisant siffler les arbres dans un millier d’hurlements. La tempête avait fait rouler les nuages, voilant la face de la lune pour tapisser le ciel d’un noir grisâtre. L’air gelait littéralement, et les premiers flocons ne tardèrent pas à papillonner dans les airs, mouchetant sa fourrure drue. La terre et l’humus gelait mais l’odeur du sang était encore perceptible. Se mêlant au sol pour y former un limon gluant, c’est sans y prêter attention qu’il y imprima l’empreinte de ses pas, laissant derrière lui des traces bien plus grandes que des mains humaines. A ses côtés, il sentait ses frères. L’odeur de la chair et l’appel du sang les ayant tenus en haleine toute la nuit, l’aube accueillait leur nervosité avec un calme déconcertant.

Le silence d’après la bataille était amplifié par la neige qui tombait en masse et certains des membres de la meute disparaissaient sous leur fourrures blanches, tandis que d’autres comme lui brillaient par leur noirceur, préférant le camouflage des arbres encore nus par endroits aux chemins et clairières. Comme un seul homme la meute exhalait une même vapeur tiède qui montait tel un hurlement silencieux entre les branches des arbres épineux. La surface à couvrir était telle qu’ils n’eurent jamais à repasser par un endroit connu, mais partout régnait la même odeur de sang et de mort. Les flocons commençaient d’ailleurs à recouvrir certains corps d’ores et déjà blanchis et figés par le gel. Repus, aucun des membres de la meute ne s’attarda sur ces quelques membres gelés qui émanaient çà et là de la neige. Ils continuèrent leur progression sans rencontrer ni humain, ni sorcière. Un oiseau attira un instant son attention, rare moment durant lequel il s’accorda un regard vers le ciel pour s’assurer qu’il n’avait pas affaire à un de ces Etourneaux. Mais non, il ne s’agissait que d’une corneille banale qui le gratifia d’un croassement rauque. C’est en l’ignorant tout simplement qu’Opium avait repris sa marche, aussi preste et silencieux que le plus agile des représentants de sa race.

Ce n’est que lorsque les arbres commencèrent à se raréfier que la meute ralentit la course instantanément. Certains allant même jusqu’à s’arrêter pour laisser le mâle gigantesque prendre la tête. Il s’avança plus encore vers l’orée de la forêt –qui était pourtant encore loin- avec une assurance que ne pouvaient avoir ses pairs, car ils n’étaient jamais sortis des bois que pour en rencontrer d’autres, se délestant volontiers du contact avec tout être marchant sur deux pattes, sauf si la faim ou la situation l’imposait. Le cas d’Opium était différent pour des milliers de raisons, mais il n’y en eut qu’une qui se présenta sous ses prunelles rouge. Elle était encore loin, mais il la sentait déjà, en dépit du fait qu’elle ne dégageait plus aucune odeur. Il marqua un temps d’arrêt et redressa son énorme tête. L’ombre apparut au travers des étoiles blanches qui tombaient du ciel. D’abord difforme et lointaine, aussi vacillante qu’une flamme de bougie, elle ne tarda pas à gagner en consistance, jusqu’à se dédoubler. Instantanément les babines du Loups se retroussèrent pour laisser paraître des crocs aussi blancs que ces satanés perles glacées qui lui tombaient sur la truffe. Il n’avait pas senti l’autre approcher. Et pour cause, comment pressentir l’approche de quelque chose qui ne dégage rien, absolument rien, et qui ne se distingue que par ses yeux si caractéristiques ? Ce fut d’ailleurs la première chose qu’il aperçut. Au beau milieu de ce décor noir et blanc, un regard vairon luisait d’une lumière presque ostentatoire. L’un des yeux était d’un bleu électrique, tandis que l’autre brillait d’une lueur bleutée autrement plus spectrale et laiteuse, mais tout aussi dérangeante. Eris, la Luciole était là aussi. A ses côtés ne tardèrent plus à se distinguer des cheveux d’un blanc aussi immaculé que la neige, flottant eux aussi en rythme avec les flocons, dansant avec eux comme pour cueillir leur venue. La sorcière avançait d’un pas léger mais néanmoins plus lourd que celui de la Luciole qui la secondait. Ne tardèrent pas à se distinguer non plus les deux puits de couleurs qui lui tenaient lieu de regard. Les couleurs du pouvoir et du sang fusèrent vers lui comme deux flèches.
Belle bataille, mais il en reste encore dans les parages.

Sa voix aussi douceâtre qu’enrayée était devenue une habitude pour lui. Mais pour quiconque l’entendait la première fois résonner dans son crâne, elle était synonyme de souffrance et de chuintement vicieux.
La meute s’était arrêtée en même temps que lui, les deux jeunes femmes ne lambinèrent pas pour le rejoindre et se planter devant lui.

Comme il l’avait deviné au loin, Mad n’avait pas tressé ses cheveux aujourd’hui, et son Linceul était invisible. Les épaules dénudées, seuls ses bras étaient couverts du même cuir de dragon qui couvrait ses jambes et son corps, sous ce corset qu’elle portait toujours. Par endroit le tissu était assombri par le sang, mais la sorcière n’en n’avait cure. A sa cuisse gauche pendait son aiguille qui luisait d’un éclat venimeux en cette heure funeste, à la gauche était étroitement sanglée une paire de ciseaux d’argent longue comme un avant-bras de fillette ainsi qu’un poignard à la lame noire. A ses côtés, la Luciole n’était pas en reste. Imperturbable, son visage en cœur sondait la forêt de son regard gênant. Ses boucles sombres étaient aussi empêtrées de touffes glacées que sa fourrure à lui. Elle ne portait que sa robe noire à manche longue, les mains croisées dans le dos. Aucune arme n’était apparente et ce qu’elle dégageait, ou plutôt ce qu’elle ne dégageait pas, semblait attiser la meute tout autour de lui, qui ne tarda pas à vrombir du même son qui précède celui d’un grognement. Opium ne fit pourtant pas mine de s’en préoccuper quand il reconsidéra la sorcière qui lui faisait face. Il n’avait aucun mal à la détailler des pieds à la tête sans avoir à lever le regard, les lieux lui permettant d’adopter sa taille la plus grande.
Combien en as-tu repéré ?

Les lèvres de la Luciole, aussi noires que pouvaient l’être celles de la sorcière tressautèrent en un sourire presque imperceptible, et il comprit qu’elle l’avait entendu, même s’il ne s’était adressé qu’à Mad, qui lui répondit dans l’instant.
Je dirais cinq à première vue. Des sorcières à la dague. L’une d’entre elle est blessée. J’invite volontiers ta meute à te charger de deux d’entre elles. Nous nous chargeons des trois autres.

Le regard de braise d’Opium fit l’aller-retour entre les deux personnes qui se tenait là.
Trois sorcières à la dague contre une Luciole et une sorcière ?

La jeune femme aux cheveux de neige sourit alors de toutes ses dents taillées en pointe et pencha la tête sur le côté. Quand elle faisait cela, elle ressemblait à sa sœur jumelle, à la différence que lorsque Liya souriait, c’était toujours pour montrer sa joie.

Il vit alors que dans ce qui tenait lieu de chevelure à la sorcière, tout n’appartenait pas exactement à elle. En effet, dans le tourbillon de neige qui s’était intensifié depuis leur rencontre, un fil de soie virevoltait avec grâce, reflétant dans sa danse les rares pales lueurs de l’aube. Sur l’épaule de la Mad apparurent huit longues pattes translucides. L’araignée chatouillait sa peau sans qu’elle ne fasse aucun mouvement pour la tirer de son perchoir. L’araignée pâle sembla le regarder un instant.
Tu oublies Echo. Mon Gwëdia aussi a soif de sang.

Et l’araignée chuta de l’épaule de la sorcière. Dans sa dégringolade, ses pattes et son corps enflèrent de manière grotesque jusqu’à s’étirer et de déchirer pour ne devenir qu’un amas de haillons et de cheveux blancs poisseux, la bête prit alors peu à peu des allures à peu près humaines. Squelettique, à demie nue, accroupie, enfouissant ses griffes dans le sol, Echo le considérait en relevant son visage osseux parsemé de mèches que Mad recoiffa presque tendrement, de ses serres noires et dures. Opium le Loup et sa meute purent alors à loisir sonder le regard d’Echo. Le blanc des yeux avait viré au noir, et ses iris rouge sanguin n’avaient pas de pupille, mais il savait qu’elle le regardait. Ainsi donc, le Gwëdia de Mad ferait aussi partie de la chasse. Se résignant de bon cœur à avoir pour compagnons des individus si inhabituels, le Loup roula des yeux jusqu’à les clore et renversa sa lourde tête en arrière. Son hurlement fut tel qu’il résonna dans toute la forêt, et même au-delà, contre les remparts blancs. La meute l’imita, et bientôt le silence de la neige fut déchirés par l’appel de la chasse.

Les Loups s’éparpillaient déjà en masses quand les trois bipèdes se séparèrent à leur tour en un tourbillon de noir et de blanc. Deux sphères lumineuses flottaient de conserve avec les flocons. Les yeux de la Luciole s’étaient détachés de ses orbites pour chasser…mais à leur manière.

Un grognement rauque ébouriffa sa gorge en même temps que ses poils, et son regard de braise s’alluma plus fort tandis que sur sa langue clapotait déjà le goût du sang de sa prochaine victime.
Et la neige promettait déjà de rosir quand il s’élança en compagnie de ses frères, sur les traces des sorcières à la dague.

Text, characters & story © lady-oolong

About the Author

Leave a Reply